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Les enjeux de la gestion de la pénibilité ont-ils été compris ?

Il n’est pas possible de traiter de la pénibilité ou du compte pénibilité sans tenir compte de l’histoire.

Rappels historiques
En France, cette gestion de la pénibilité est issue de la loi 2010-1330 sur les retraites qui a impliqué un recul de l’âge légal de départ à la retraite ainsi qu’une augmentation du nombre de trimestres nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Ainsi en compensation, des actions ont été prévues pour prendre en compte la pénibilité au travail. Certains facteurs ont donc été décidés de même que la mise en place de fiches de suivi des expositions.
Mais l’important est d’être conscient que l’agence européenne de santé au travail prône l’aménagement des postes de travail des travailleurs seniors afin que ces derniers puissent travailler plus longtemps en minimisant les risques.
La mise en place de fiches s’est ensuite cantonnée aux travailleurs exposés au-delà d’un certain seuil. Un compte pénibilité a été mis en place pour certains travailleurs exposés au-delà des seuils. Enfin ces fiches ont été supprimées.

Mise en place des fiches puis du compte pénibilité
Il faut rappeler l’obligation de l’employeur de protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Cette obligation est à l’heure actuelle trop souvent non ou mal respectée. Pour ce faire, « l’employeur met à jour dans un document unique, le résultat de l’évaluation des risques… ».
A partir de ce document unique, il est aisé de déterminer dans quelles unités ou quels postes peuvent se retrouver des travailleurs susceptibles de dépasser les seuils.

Comment déterminer si les conditions requises sont réalisées ?

1) Tout d’abord, il faut tenir compte des 10 critères définis
Il est clair que la liste est extrêmement critiquable, à titre d’exemple :
. Qui est concerné par le travail hyperbare ? Ce point ne pouvait-il faire l’objet d’une règlementation spécifique ?
. Pourquoi fait-on figurer le risque chimique et non le risque biologique alors qu’un nombre considérable de travailleurs sont exposés au risque biologique (hôpitaux et toutes activités de soins, aide à domicile, crèches, maisons de retraite, espaces verts…) ?
. Pourquoi ne prend-on pas en compte le risque lié aux rayonnements ionisants (notamment pour le personnel navigant des compagnies aériennes) ?
. Pourquoi ne prend-on pas en compte les risques psychosociaux alors que dans certains métiers ils font partie intégrante de l’activité (accueil d’urgence, aide à domicile et tout le secteur médico-social) et ne sont pas liés à des problèmes d’organisation.

2) Ensuite il faut évaluer les seuils
Il faut considérer le fait que les expositions à des facteurs différents ne se cumulent pas. Ce qui fait que dans bien des cas, il est extrêmement facile de mettre en évidence que les salariés ne sont pas concernés par le compte pénibilité.
De ce fait l’évaluation n’est pas toujours aussi compliquée à réaliser que semblent le croire certains dirigeants d’entreprise.

3) Enfin que faire si les seuils sont atteints ?
Les textes prévoyaient la mise en place d’un compte pénibilité en points, lequel compte pouvait notamment permettre à un travailleur de partir en retraite au maximum deux ans plus tôt.
Mais le vrai problème est ailleurs.
L’objectif véritable n’est absolument pas de permettre un départ anticipé mais de mettre en place des solutions dans l’entreprise afin de diminuer la pénibilité du travail. Et on en revient donc à l’aspect de prévention.
En fait le compte pénibilité consiste en de la réparation or cette notion de réparation est remplacée autant que faire se peut depuis 1989 par la prévention.
Le problème est simple :
Vaut-il mieux partir deux ans plus tôt en mauvais état de santé ou à la date normale en bonne santé ?
La réponse paraît évidente.

Les risques liés au compte pénibilité
Peu importe que celui-ci soit modifié ou change de nom, l’expérience montre qu’il entraîne une confusion importante dans l’esprit de nombre d’employeurs et de travailleurs.
Ce n’est pas parce qu’un poste est en-dessous des seuils, qu’il ne faut pas l’améliorer !
Ce n’est pas parce qu’un poste est au-dessus des seuils qu’il faut systématiquement mettre en place un C3P : il est préférable de diminuer la pénibilité du poste !
C’est le cumul de plusieurs facteurs qui constitue très souvent le vrai problème de détérioration de conditions de travail pouvant amener accident ou maladie.

En conclusion
Le vrai problème n’est pas le compte pénibilité ou compte prévention mais la santé au travail et la réduction du nombre de maladies et d’accidents par l’amélioration des conditions de travail.
Prendre en compte la prévention des risques professionnels au sein de l’entreprise devient non seulement une obligation règlementaire mais également un facteur de progrès au sein de l’entreprise ainsi qu’un facteur de santé publique.

Date document : 17/07/2017