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Le document unique – la montée des inepties et l’illusion du gratuit

Le terme “document unique” commence à se faire connaître au sein des entreprises et notamment des TPE et PME. Malheureusement, l’esprit du document unique est galvaudé et les préjugés et incompréhensions se multiplient. Pourquoi ce n’est pas si simple? Pourquoi les entreprises sont-elles si mal informées ? Quelle est la vrai raison du document unique ? Comment faire une évaluation qui soit utile ? Comment augmenter la productivité de l’entreprise ?

Introduction
Les institutions souhaitent une mise en place plus complète du Document Unique (DU) au sein des entreprises. Nous voyons donc apparaître une floraison d’inepties et d’incohérences qui peuvent s’avérer extrêmement dangereuses à la fois pour les salariés et les entreprises.

Les quelques exemples qui suivent, tirés de notre expérience, montrent à quel point certains établissements se fourvoient en ne travaillant au mieux que sur la partie immergée de l’iceberg.
– Les risques, donc le DU, sont les mêmes pour tous les établissements au sein d’une même profession ;
– Faites votre DU en ligne via un outil internet ;
– Dans un lycée : «C’est un élève qui a fait le DU »;
– Exercice pratique dans le cadre d’un master « économie appliquée » : mettre en place un DU (sans la moindre base ni les moindres compétences) ;
– C’est le médecin du travail qui a fait le DU ;
– Nous avons confié la mission au CHSCT.

Pourquoi cette situation ?
Le phénomène décrit dans notre introduction est assez bien résumé dans l’ouvrage de Terry GOODKIND dans son cycle « l’épée de vérité ». A travers de multiples péripéties, le héros de cette saga apprend certaines leçons dont les deux premières trouvent un sens particulier dans le cadre qui nous intéresse.

« Les gens croient n’importe quoi parce que cela les arrange ou parce ce qu’ils ont peur que cela soit vrai » (1)
C’est effectivement très arrangeant de se dire que c’est facile, gratuit, qu’il n’y a qu’à chercher sur Internet et qu’il n’y a qu’à prendre un modèle et recopier.

« Les pires maux découlent des meilleures intentions » (2)
A force de mettre en ligne de l’information ou des outils d’aides, les institutions, croyant bien faire, vont à l’opposé totale du but recherché. En conséquence, les dirigeants se noient dans la documentation et font ou font faire par leurs subordonnés des DU qui non seulement ne servent à rien mais sont dangereux parce que mal faits et surtout donnant bonne conscience à leur rédacteurs.

Un esprit trahi
Les entreprises font de la fixation sur le terme « document unique », son aspect écrit et prennent ce document comme une comptabilité qu’il faut montrer aux organismes de contrôle (inspection du travail, CARSAT…).
Le document unique n’est en rien cela !

Mais qu’est–ce qu’un bon DU ?
C’est le résultat de l’Evaluation des risques auxquels sont exposés les salariés d’une entreprise, l’important c’est l’évaluation et ses conséquences.
En effet, depuis le 31 décembre 1991 en France (3), c’est bien cette évaluation des risques qui est obligatoire pour permettre à l’employeur de protéger la santé de ses salariés.
L’important n’est donc pas le document unique mais la façon dont on le met en place et les conclusions qu’on en tire qui pourront amener à des actions de prévention.

Quels coûts pour les entreprises ?
Au niveau des accidents du travail – maladies professionnelles

Les dernières statistiques publiées concernant les accidents du travail (AT) et maladies (MP) professionnelles pour les salariés du privé en 2010 n’incitent pas à l’optimisme:
– 658 847 accidents avec arrêts dont 41 176 donnants lieux à incapacité permanente (IP) et 529 décès;
– plus de 37 millions de journées de travail perdues.

Même si le nombre d’AT a diminué ainsi que celui des IP et des décès, le nombre de jours perdus (indicateur de gravité) a lui augmenté. Le comité technique national (CTN) du bâtiment et des travaux publics (BTP) a nettement amélioré ses statistiques mais d’autres CTN ont vu leurs indices augmenter et parfois nettement.

Bien évidemment tous les coûts sont à la charge des entreprises, sans parler des coûts indirects dont certains sont difficilement chiffrables.
– 50 688 nouvelles maladies professionnelles déclarées et 24 961 donnant lieu à IP;
– Près de 10 millions de journées perdues.

Au niveau des maladies ordinaires
A la manière de l’iceberg les AT–MP en représentent la partie immergée. La face cachée, non comptée dans les statistiques, serait l’absentéisme pour maladies ordinaires.

D’où provient réellement l’absentéisme pour maladie ordinaire ? Des fraudeurs comme le laissent à penser certains de nos dirigeants? De nombreuses études sur l’absentéisme démontrent que les conditions de travail sont plus vraisemblablement à leur origine.
Selon l’agence européenne de santé au travail, des études indiquent que le stress est à l’origine de 50 à 60 % de l’absentéisme au travail en Europe. Et si le coût des journées d’absence est en bonne partie supportée par la sécurité sociale, il est très loin d’être faible pour les entreprises qui doivent pourvoir au remplacement du personnel absent ou tout au moins à l’exécution des tâches prévues.
Certaines grèves très gênantes pour l’ensemble de la population et extrêmement coûteuses auraient-elles eu lieu si une bonne évaluation des risques avait été mise en place ?

Réduire considérablement ces coûts
L’objectif de l’évaluation conduisant à la mise en œuvre d’actions préventives est donc de réduire ces coûts en réduisant d’une part les risques d’AT et MP mais aussi en diminuant l’absentéisme ordinaire. D’autre part, ce type d’action, en jouant grandement sur les préoccupations des travailleurs et sur leurs conditions de travail, permet d’augmenter le « mieux-être » et la productivité au sein des entreprises.

Comment faire ?
Tout d’abord, le DU est sous la responsabilité de l’employeur. Ce n’est pas au CHSCT ni au médecin du travail de rédiger ce document même s’il est souhaitable que ces instances soient impliquées.

Que peut donc faire l’employeur ?
– Tout lui-même : mais cela prend du temps et il faut un minimum de compétences.
– Se former ou former un responsable : c’est une solution intéressante d’autant plus quelle peut être financée par le budget formation. Il faut évidemment que cette formation soit sérieuse et en soit réellement une.
– Le faire faire : c’est également une solution valable. Mais il faut bien choisir l’intervenant et cela ne dispense pas de faire participer son personnel.

Travailler avec les salariés ?
Ceci nous paraît indispensable et incontournable! Cette mesure est d’ailleurs recommandée dans la circulaire N°6 DRT du 18 Avril 2002 qui donne des conseils pour la mise en œuvre du document unique. Par ailleurs cette approche présente des avantages connexes :
– Amélioration de la motivation du personnel dans la mesure où on s’intéresse à ses problèmes;
– Première étape dans la diffusion et la mise en place d’une culture de la sécurité et de la santé au travail;
– Diminution des risques d’accident domestique liée à cette approche culturelle. Une diminution des accidents à la maison équivaut à moins d’indisponibilité au travail.

Est-ce coûteux de faire appel à un consultant ?
Cela peut l’être : tout dépend du consultant et du travail réalisé. Mais si l’on choisit bien, le coût n’est pas très élevé. C’est pour cela qu’avant de décider il importe de discuter et de se faire expliquer en quoi consiste la prestation. Un entretien, qui peut être téléphonique, apporte des éléments importants sur la compétence du consultant.

Quels sont les avantages de faire appel à un consultant ?
Tout d’abord la compétence et l’expérience.: il est de la responsabilité du chef d’établissement d’évaluer les risques et de protéger la santé des salariés, mais ce n’est pas la raison d’être de l’entreprise. Le chef d’établissement ne sait pas toujours où et comment chercher.

Les messages à faire passer : n’oublions pas que le pendant de l’obligation de protection de la santé des salariés est l’obligation faite au salarié de protéger sa santé et d’assurer sa propre sécurité. Ne pas respecter des consignes de sécurité constitue une faute professionnelle. Un consultant indépendant est toujours mieux placé pour faire passer ce message. Par ailleurs le consultant pourra introduire plus facilement la culture sécurité dans l’entreprise.

Le suivi postérieur: le consultant peut être un conseiller qui informera le chef d’établissement des nouveautés juridiques ou scientifiques liées à la santé au travail. N’oublions pas que le DU doit vivre et s’adapter à l’évolution de l’entreprise mais aussi de la législation et des connaissances scientifiques.

Que faire ensuite ?
Le document unique n’est pas toujours une fin en soi. N’oublions pas tout de même qu’il doit être tenu à disposition notamment de l’inspection du travail, du service de prévention de la CARSAT, du médecin du travail et depuis décembre 2008, de l’ensemble des salariés de l’entreprise.
Ce document est donc un excellent outil de travail pour informer les salariés mais aussi pour faciliter le travail du médecin de Service de Santé au Travail.
Par ailleurs, c’est ce document qui permettra de mettre en place un plan d’action pour diminuer les risques.

Un plan d’action est-il coûteux ?
Certes certaines actions peuvent s’avérer coûteuses. Mais l’expérience montre que bon nombre d’actions préventives sont peu coûteuses et consistent en actions d’organisation, de sensibilisation et de formation.

Pour aller plus loin
V ous pouvez consulter les tableaux statistiques concernant les AT-MP sur le site de la CNAMTS via le lien : http://www.risquesprofessionnels.ameli.fr/index.php?id=94
Vous pouvez consulter les informations concernant le stress au travail sur le site de l’agence européenne de santé au travail en suivant le lien : http://osha.europa.eu/fr/topics/stress/index_html.
Vous pouvez nous consulter pour toute demande d’information complémentaire via notre formulaire de contact : http://www.bertrandmerlin.com/index.php/contact/

Date document : 22/12/2011


(1) The wizard first rule (la première leçon du sorcier cycle « the sword of truth » de Terry Goodkind)
(2) La deuxième leçon du sorcier (la pierre des larmes – tome 2 du cycle de Terry Goodkind : the sword of truth
(3) Transposition de la directive cadre 89/391/CE du 12 Juin 1989